Chers frères et sœurs,

À l’occasion de la célébration de la fête patronale de notre Communauté, je vous rejoins par ce message fraternel que m’inspire la circonstance. Je vous propose à la lumière de la Croix glorieuse, de revenir sur le Message du Pape François pour la deuxième journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création.

Notre engagement à la suite du Christ nous lie à tout jamais à la Croix où se déploie admirablement la puissance de l’amour de Dieu. Prière et persévérance dans les épreuves, telles sont les caractéristiques de notre appel à devenir disciples: ‟Je lui montrerai tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom” (Ac 9, 16). Porter la Croix, obéir à la volonté divine, honorer chacun comme un frère ou une sœur, préserver la beauté et l’équilibre de la création, sont des signes qui accompagnent et qui attestent de notre de notre fidélité à Dieu et de notre «vocation de gardiens de la création». De l’arbre du paradis vint la mort, de l’arbre de la croix triompha la vie. La Croix du Christ est l’arbre de vie divine. C’est cela notre fierté.

La célébration de la Fête de la Croix glorieuse est une occasion de revenir aux sources de notre foi et de l’engagement de notre Communauté, pour consolider notre amour du Christ et de l’Église, et pour nous relancer dans la mission que Jésus nous a confiée tous ensemble et spécifiquement au sein de notre Communauté.

Vous êtes envoyés dans le monde afin de prononcer la Parole qui donne la vie, pour proclamer la Parole qui est Jésus-Christ. Lorsque le Verbe s’est fait chair, Dieu, par amour, est entré dans notre histoire et son étreinte salvifique a atteint sa perfection sur le Calvaire. Le visage du Messie couvert de sang et crucifié révèle que Dieu s’implique dans les événements tourmentés de l’humanité. De la Croix, la Parole de Dieu s’adresse à chaque espérance humaine. «Comme l’écologie intégrale le met en évidence, les êtres humains sont profondément liés les uns aux autres et à la création dans son ensemble». Faisons en sorte que chaque activité humaine soit portée par la radieuse lumière de la Croix et respecte l’empreinte que Dieu a imprimée au cœur de la création. «Chaque créature a sa valeur propre intrinsèque qui doit être respectée».  

Chaque membre de notre famille religieuse est appelé à proclamer la Parole de la Croix qui ‟est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, elle est puissance de Dieu” (1 Co 1, 18). Chacun de vous par des gestes modestes, est appelé, comme l’Apôtre Paul, à vivre le mystère de la Croix du Seigneur (cf. Ph 3, 10).

La véritable conversion du cœur et des mentalités à laquelle nous exhorte le Pape François doit entrainer un changement concret de modes de vie qui soit respectueux de la création. C’est un sacrifice à consentir en adoration au pied de la Croix glorieuse : Adoramus te, Christe et benedicimus tibi, quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum. Puisse cette vérité constituer la lumière et la force de notre Communauté.

Chers frères et sœurs, votre engagement à la vie de pauvreté évangélique, dont le premier but est de ‟rendre témoignage à Dieu qui est la véritable richesse du cœur humain” (Vita consecrata, n. 90), ajouté à l’amour préférentiel pour les pauvres, fera en sorte que votre mission, joyeusement accomplie parmi les pauvres, les enfants, les jeunes, les laissés-pour-compte, portera des fruits abondants pour le salut du monde. En contemplant ce monde désabusé, comment ne pas penser au Christ qui meurt sur la Croix ? Comment détacher notre regard de Jésus et de son visage meurtri qui suscite un trouble profond ? Le prophète l’affirme: ‟Il n’était ni beau ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n’avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleur, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne” (Is 53, 2-3).

Sur le visage du Christ se concentrent toutes les souffrances, les injustices, les violences subies par les êtres humains de toutes les époques. «Face à ce qui arrive à notre maison, puisse le Jubilé de la miséricorde appeler les fidèles chrétiens «à une profonde conversion intérieure (cf. Encyclique Laudato si, n.217)». C’est à partir de l’alliance avec le Créateur que chacun est invité à une profonde conversion personnelle dans son rapport aux autres et à la nature. Cela permettra une conversion collective et une vie harmonieuse avec la création.

Fidèle à sa mission et devant les souffrances humaines, l’Église s’investit et pousse l’homme vers un avenir d’espérance et de liberté. De fait, il est nécessaire de donner à tous, en particulier aux jeunes qui aspirent à une vie meilleure au sein de la création, une éducation aux valeurs humaines et morales; il faudra ennoblir leur sens civique, les aider à mieux vivre leurs rapports interpersonnels, dans l’esprit des Béatitudes, afin que tous prennent conscience des enjeux de leurs attitudes quotidiennes pour l’avenir et la sauvegarde de notre planète.

Comme le souligne le Pape François, «l’intention de changer de vie doit imprégner notre manière de contribuer à construire la culture et la société dont nous faisons partie». Voilà pourquoi je vous invite à promouvoir à l’ombre de la Croix, une «spiritualité de la communion en la faisant ressortir comme principe éducatif partout où sont formés l’homme et le chrétien, où sont éduqués les ministres de l’autel, les personnes consacrées, les agents pastoraux, où se construisent les familles et les communautés» (Lettre apostolique Novo millennio ineunte, n. 43).

Il est de notre responsabilité de limiter les risques sur la dégradation de la création, par une attention particulière au milieu naturel envisagée dans la perspective du bien commun. Le développement durable que nous appelons de tous nos vœux exige que tous se mettent «au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de ce grave problème, et pour les convaincre de l’urgence d’une action solidaire» (Encyclique Populorum progressio, n. 1). C’est donc à juste titre que le Pape François reprend cette interrogation  dans ce Message pour la deuxième journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création:« Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ?» (Encyclique Laudato si, n.160).

Chers frères et sœurs, pour que la planète soit habitable demain et que tous y trouvent leur place, osons poser des gestes aptes à subvenir aux besoins fondamentaux des générations présentes et futures. Cette attention constitue un aspect essentiel de la solidarité entre les générations. Votre vie cachée avec le Christ, comme la Croix silencieuse qui se dresse au cœur de l’humanité rachetée, demeure en effet le signe éloquent et le témoignage permanent que tout être peut se laisser saisir par Celui qui n’est qu’amour. En accomplissant votre mission, comprenez avant tout qu’il vous faut affronter et accepter la croix, qui se manifeste sous des formes variées dans la société contemporaine.

L’idéal évangélique est difficile mais exaltant. Nous avons cette assurance : Jésus est proche de nous, lui qui fut le premier à obéir à la volonté du Père et qui fut cloué sur la croix pour racheter le monde. Le Christ invite notre Communauté à le suivre sur les chemins de l’abandon total entre les mains de Dieu, pour redécouvrir la fécondité mystérieuse de la souffrance. ‟Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage !” (Ps 4, 7). Nous devons œuvrer sans cesse à atteindre le noble idéal de la réconciliation de l’homme avec lui-même, de l’homme avec la création, en adoptant une attitude courageuse qui veille à préserver l’intégrité de la nature, ses ressources qui s’épuisent de façon inquiétante et sa beauté qui loue la gloire du Créateur.

Continuons d’être les témoins du sacrifice rédempteur du Christ, efforçons-nous, avec sa grâce, de devenir profondément et toujours davantage, ses instruments au cœur de la création, notre maison commune.